Ces deux dernières années, le petit monde des courses à obstacles s’est considérablement modifié. Le nombre de participants augmente tout comme le nombre de courses. En d’autres termes, le marché global n’a cessé de croître.
Avec cela arrivent des débats sur la professionnalisation de ce sport. Certains rêvent même de jeux olympiques, mais les courses à obstacles peuvent-elles vraiment se professionnaliser et aspirer au rêve olympique sans que le sport se modifie? Voici de quoi amorcer les débats.
Argent et médias
Pour qu’un sport se développe, il a besoin, comme toute entreprise, d’argent. Dans le sport cela passe par les commanditaires, les entreprises qui vont coller leurs noms sur un chandail, un événement, un sportif… L’argent permet aux courses d’offrir des gains aux athlètes, de faire vivre des athlètes qui vont en devenir les porte-paroles et en faire la promotion. Avec des dollars tout est plus facile et tout le monde est gagnant. Mais encore faut-il qu’il y ait de l’argent!
Si les frais d’inscriptions permettent aux organisateurs de faire de l’argent pour faire vivre leur entreprise et leur course, ils ne permettent pas d’amener le sport, dans son ensemble, à un autre niveau. Il manque souvent ce gros commanditaire exclusif, comme Reebok l’est pour Spartan Race, qui va permettre aux courses d’atteindre une autre dimension et de « professionnaliser » le tout.
Pour attirer de gros partenaires, il est primordial de bénéficier d’une bonne visibilité médiatique. Et en sport, c’est la vidéo qui domine (la télévision et de plus en plus le web). Mais pour qu’un sport passe à la télévision, il se doit d’être, par définition télégénique. Nous l’avons vu avec la diffusion des championnats du monde Spartan Race sur NBC, nous étions plus dans le «reportage journalistique» que dans la «couverture de course» comme celle des marathons. La raison à cela? Une course à obstacles de 21Km, sous sa forme actuelle, n’est pas télégénique. Impossible pour un caméraman de suivre les athlètes et il serait bien trop coûteux de positionner des caméras tout au long des 21KM.
Ce phénomène a pu s’observer dans le milieu des années 90 en vélo de montagne. Les distances du Championnat du monde étaient d’une trentaine de kilomètres. Au début, les athlètes effectuaient un seul parcours, une boucle de 30KM. Progressivement on est passé à 2 boucles de 15KM, pour en arriver aujourd’hui à 6 boucles de 5KM. La raison? La télévision. L’UCI voulait que le vélo de montagne, tout comme le cyclisme, se taillent une place sur le petit écran. Cela a entraîné une modification du sport, imposée par les médias. Il en ira certainement de même pour les courses à obstacles.
Le raisonnement est peut être simpliste, mais l’équation peut se résumer de la sorte : argent = médias = modification du sport. Malheureusement, il est difficile de penser qu’il en sera autrement pour les OCR et il faudra l’accepter. Cela amènera le sport à se professionnaliser. Pour le meilleur ou pour le pire, à vous d’en juger.
Le rêve olympique
On lit souvent sur les forums des phrases du style « il faudrait que les pénalités soient uniformisées pour qu’on puisse faire des OCR un sport olympique, que les poids soient pesés, que les obstacles soient tous surveillés… ».
Effectivement, pour qu’un sport puisse se développer et aspirer à devenir une discipline olympique, il a besoin de règles. Les obstacles, dans notre cas, pose le plus débat.
Pour qu’il y ait des règles, il faut une fédération, mais qui a intérêt à la créer? Les grosses courses qui, grâce à leur puissance, attirent des milliers de participants et peuvent « imposer leur loi »? Combien de courses n’ont pas mis des burpees comme pénalité parce que Spartan a laissé penser que c’était une norme? Nous ne disons pas que cela est bien ou pas, mais nous illustrons juste le fait que, qu’on le veuille ou non, les leaders arrivent à imposer certaines règles sans pour autant avoir besoin d’une fédération, s’assurant ainsi du monopole en terme de référence. Donc les courses dominantes n’ont pas besoin de mettre les pieds dans une fédération.
Les autres courses, afin d’éviter le développement de la concurrence ou de s’unifier pour le sport et faire grossir le gâteau à se partager, ont tout intérêt à ce que des normes soient imposées et de créer une association qui les regroupe. Mais comment établir des normes si les principales courses n’embarquent pas?
On se retrouverait donc avec deux systèmes différents, aucune uniformité et les courses à obstacles, dans leur ensemble, n’en sortiraient pas grandies. Et dans l’hypothèse où il y aurait des ouvertures pour créer une fédération, la question de l’argent se posera et ceux qui ont de l’argent feront la pluie et le beau temps.
Alors sans fédération ou règles communes peut-on rêver d’olympisme? Oui, bien sûr. Mais lorsqu’on voit que le vélo de montagne est devenu sport olympique en 1996 avec une fédération très puissante comme l’UCI, ou le triathlon qui est apparu seulement en 2000 sur le calendrier olympique, il est difficile de croire que les OCR seront au calendrier en 2016 ou 2020. Le rêve continuera quelques années, mais n’est pas irréalisable.
Alors oui, tout est possible. Faire des OCR un sport professionnel, avec une fédération, un circuit international, une présence aux JO, rien de tout cela n’est irréalisable. Mais le petit monde des courses à obstacles et constitué pour la plupart, d’entreprises qui vivent de leurs courses. Dans ce monde concurrentiel, il ne sera pas facile d’atteindre ces buts tout en gardant le sport comme on le connait aujourd’hui. C’est là toute la beauté de ce sport naissant : tout reste à faire.
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Un article de: Nicolas Hallet
Correction et révision: Éric Julien