Nous n’avons pas toujours la chance de connaître le point de vue des élites de ce sport. C’est pourquoi j’ai pris l’initiative de me lancer dans des entrevues. Pour cette première, j’ai eu la chance d’interviewer Samuel Hébert, kinésiologue et athlète très apprécié par la communauté des CAO. Je vous partage donc un long résumé de cet entretien!
Quel est ton parcours? Comment en es-tu arrivé aux courses à obstacles (CAO)?
Au secondaire, j’ai été initié au Cross-Country. Je performais bien sans être parmi les meilleurs coureurs. J’ai toujours eu du plaisir à courir. Après avoir essayé plusieurs programmes de sport à l’école, j’ai découvert la kinésiologie. Je me suis donc lancé dans ce domaine et j’ai gradué en 2016. En 2013, une collègue de travail m’a initié à une Spartan Race. Tous les deux, nous ne connaissions pas ce type de course. J’ai adoré l’alliage course-vitesse-force et je suis tombé en amour avec les CAO depuis ce jour. Chaque année, j’ai commencé à cumuler plus de Trifectas et découvert les autres courses CAO au Québec et maintenant aux États-Unis. J’ai obtenu mon premier podium à la Spartan Sprint de Owl’s Head en juillet 2016. À partir de ce jour, les gens ont commencé à m’identifier. Depuis 2017, j’ai joint l’équipe Pro de Spartan. 2017 a été une année incroyable où j’ai raflé la plupart des titres Spartan dans l’est du Canada. 2018 aura été mon année Bootcamp et les triples podiums des événements majeurs de course en équipe (NorAm, Spartan Championship Lake Tahoe, OCRWC). Depuis ces 3 derniers triomphes, mon nom est connu aux États-Unis.
Que veux-tu dire par le mouvement (kinésiologie ou simplement toujours bouger)?
Le mouvement est le concept de ce qui est accessible pour tous. Il suffit d’utiliser notre corps le plus souvent possible. Il faut en prendre soin et le garder actif, car c’est une des choses qu’on ne peut pas changer sur notre personne. Il nous remerciera dans quelques années alors qu’on aura encore la santé. Plus on devient à l’aise d’utiliser notre corps, plus il va nous ouvrir des portes.
Le mouvement m’a aidé à contrer mon hyperactivité. Je ne pense pas que j’aurais pu terminer le secondaire sans ça. Le mouvement m’a permis de garder ma tête concentrée lorsque c’était le temps d’étudier ou de rédiger. Oui, j’ai l’air intense et je semble constamment en train de faire une activité physique/sportive, mais j’ai atteint ce niveau, ce volume, graduellement. Il y a un travail à faire avant d’en arriver là. Je suis quelqu’un de constant, rigoureux, mais je n’ai pas besoin d’être essoufflé à chaque « mouvement ». Le « commute » est un bel exemple, c’est-à-dire de se déplacer à vélo ou à pied pour aller au travail ou faire des commissions. On a toujours le choix de prendre sa voiture, mais on a aussi l’option d’utiliser notre corps comme véhicule.
Est-ce que les CAO ont changé ta vie? (La question/réponse sera probablement retirée comme c’est en grande partie couvert ailleurs)
Je serais tenté de répondre un oui définitif. Avec du recul, je me suis bâti un nouveau cercle social. La plupart des sphères de ma vie ont changé.
Pourquoi Spartan plus qu’une autre course? Est-ce que le fait d’être dans la Pro Team a une influence?
Être dans la Pro Team n’a pas tant d’influence. Cependant, Spartan a été ma toute première CAO. J’ai un sentiment d’attachement à cette course et je ressens toujours une bonne « vibe » à chaque fois que je prends la ligne de départ. Cette magie que j’ai sentie lorsque je suis tombé en amour de ce sport, je la ressens à chaque Spartan Race. On est tous comme des guerriers, les 300 spartiates. C’est un peu moins le cas depuis 2 ans, mais j’ai toujours vu les autres CAO comme des « Fun Run » dû au calibre des coureurs présents.
Je dirais que Northman arrive à venir me chercher à ce niveau aussi, mais mon cœur reste vendu à Spartan.
As-tu des objectifs pour cette année?
Principalement, je voulais tester la Stadium Series, mais pour des raisons personnelles, je ne pourrai participer à l’ensemble des courses de la série. Pour être éligible au classement compétitif, il faut être présent à chacune des courses.
Je me suis donc tourné vers la défense de mes titres aux 3 événements majeurs de courses en équipe, soit NorAm, Lake Tahoe (Spartan World Championship) et OCRWC. J’ai vraiment l’impression de représenter le pays lorsque je me présente à ces événements. L’an dernier, lorsque je pensais être à ma limite, ce sont tous les encouragements qui sont venus dans mes pensées qui m’ont aidé à aller chercher de l’énergie supplémentaire!
Je vais participer à une Savage Race, une Northman, une DER au minimum.
Enfin, je vais tenter d’explorer et de m’améliorer dans les 2 autres niveaux de courses de Spartan, soit Super et Beast. J’ai toujours bien performé aux sprints, mais je désire être meilleur dans les autres distances.
Et à plus long terme?
J’aime bien y aller une année à la fois. Je ne suis pas en mesure de regarder trop loin dans le temps, car je ne sais pas si je m’entrainerais encore dans le but de performer dans 2-3 ans. Alors, ce que je vois est que j’aimerais :
- Continuer de promouvoir et aider à développement de ce sport (CAO).
- Me tourner de plus en plus vers les courses en équipes si ça se développe et popularise.
J’ai beaucoup de respect pour les gens comme Ryan Atkins qui ont été dans ce sport dans une optique de performance.
Quelle a été ta pire course? Ta meilleure?
Pire : Mes deux premières courses CAO 2018. La Spartan Sprint à Owl’s Head et la Northman du Mont-Sainte-Anne. J’ai bien performé sur papier, mais je les considère mes pires, simplement parce que ma tête n’était pas présente à 100%. Je n’étais pas dans un bon état d’esprit, je n’ai pas eu de « fun ». J’ai été malade durant la Northman… les départs compétitifs se sont fait en après-midi, mais la routine qu’on est habitué de suivre est de courir le matin.
Meilleure : Les 3 courses en équipe de 2018. Ce fut une accumulation de dépassement de soi. Je me suis senti focus à 100%. De plus, ça m’a permis personnellement de venger l’échec de l’émission Bootcamp. J’ai tout fait pour bien performer et je me suis senti capable de franchir n’importe quelle épreuve, quitte à puiser au fin fond de mes réserves!
Ta plus grande leçon apprise?
« À quoi servent les chutes? À mieux se relever! »
Comme tout superhéros qui se relève d’une chute et découvre de nouveaux pouvoirs en lui, je rêve de découvrir mon pouvoir à moi. J’y travaille encore!
Sur une note plus sérieuse, jamais je ne perds : soit je gagne, soit j’apprends. Plutôt que de toujours voir le négatif de nos échecs, on devrait en tirer une leçon et travailler là-dessus. C’est ainsi qu’on va progresser, apprendre. Il ne faut jamais regarder que le résultat final, mais aussi le chemin qui a été parcouru pour y arriver. Les courses sont en grande partie responsables de cette vision.
Lorsque Gabrielle-Anne s’est blessée à Bootcamp, j’ai ressenti les mêmes émotions qu’elle. J’ai vu les difficultés que cela allait engendrer et comment ça allait affecter sa carrière et son parcours en course. J’ai compris alors que rien n’arrivait pour rien et que cela allait me permettre d’en sortir plus fort (tout comme elle bien sûr).
Tu es l’idole de probablement bien des gens… mais, en as-tu une idole ou une personne qui t’inspire?
Les trois personnes qui m’ont le plus inspiré en CAO ont été celles qui dominaient ce sport lorsque j’ai débuté, soit Marc-André Bédard, Benjamin Morin Boucher ainsi que Jesse Bruce.
On savait déjà que Marc-André Bédard gagnerait lorsqu’il se présentait à une course. Tous les autres se battaient pour le podium. Pour moi, Marco a toujours été dans une classe à part, c’est un peu comme notre Ryan Atkins québécois.
La raison pour laquelle je nomme Jesse et Benjamin, c’est que j’ai pu échanger avec eux dès mes premières courses et j’ai toujours adoré leur côté humain, humble, peu importe leur performance.
J’espère que je déteins la même chose aux yeux des gens aujourd’hui.
Qu’est-ce que Bootcamp t’a apporté (à ta vie)? Est-ce que ça a changé ta façon de t’entrainer?
D’abord, je tiens à dire que cette expérience a vraiment été trippante! Je n’ai rien changé à mes entrainements pendant ou après la fin du tournage de l’émission. La raison est que la majorité de mes entrainements consiste en l’utilisation du poids du corps. Je n’effectue pas de « powerlifting » dans mon quotidien et je n’ai pas trouvé que j’ai manqué de force lors de l’émission Bootcamp. Certes, les charges étaient lourdes et donnaient un très bon défi, mais la difficulté consistait surtout en la technique à utiliser pour transporter les charges. Enfin, modifier un entrainement requiert un temps d’adaptation. Je n’avais pas vraiment le temps en plus que j’avais des courses entre les tournages.
Durant l’émission, je crois avoir prouvé que les athlètes de CAO sont des athlètes suffisamment complets et versatiles.
Si cela a changé ma vie? Du point de vue que cela a confirmé mon désir de participer à des courses en équipe, oui! Sur une note plus comique, j’ai aussi réalisé à quel point je pouvais être mauvais perdant et que j’ai de la difficulté à m’exprimer en situation d’effort. Gabrielle-Anne et moi avons compris assez vite qu’on devait établir des stratégies avant les épreuves plutôt que durant celles-ci!
Comment évalues-tu ta condition physique par rapport à 2018? Trouves-tu que la progression est de plus en plus difficile?
Effectivement, depuis 2017-2018, je crois avoir atteint un plateau dans certaines sphères. Ma progression est beaucoup moins rapide, mais il y a toujours les autres sphères à développer. À mon avis, c’est très rare de voir quelqu’un plafonner dans tous les aspects de sa vie. Selon moi, lorsque tu réalises qu’il n’y a plus de progression, tu dois focaliser sur d’autres aspects. Comme tout superhéros, je tends vers un idéal et je veux continuellement m’améliorer.
Pour conclure, peux-tu donner un conseil d’entrainement (général) et un conseil aux coureurs compétitifs?
Un mot : diversification!
- Varier ses entrainements
- Varier ses objectifs
- Varier ses sports
La diversification va te donner une certaine ouverture d’esprit. Le fait de trop focaliser sur un élément augmente nos risques de blessures. On ne réalise plus ce qui se passe autour.
