Première grosse course de la saison. Je m’y préparais depuis la mi-février, avec 3 à 4 séances de musculation et 60 km de course par semaine. Je me préparais pour ma quatrième Ultra Beast (UB). Comme j’avais participé à la Beast l’an passé au même endroit, je m’attendais à une course relativement courte, 21 km avec 1000m de grimpe en 2015.
Départ pour le site vendredi le matin avec mes chums du podcast, Mathieu Tourangeau et Danny Martel. Tout se passe bien on arrive sur le site, on regarde les obstacles ont jasent avec tous les gens que nous recroiserons toute la fin de semaine. Ensuite, nous allons au condo, où nous sommes 8. On assigne les chambres et préparons le souper. Pâtes évidement, mais j’ajoute de la viande qui se digère plus lentement pour avoir de l’énergie lors d’une longue course. Les instruments de cuisine disponible sont très limités, donc mon bœuf n’est pas assez cuit, mais je me dis que j’ai la nuit pour digérer. On jase encore un peu, pendant que Marilyn Cotton, Sébastien Brazeau et moi préparons nos « bins » de matériel pour l’Ultra Beast du lendemain matin. Dans ma folie, je dis aux deux autres : “quand j’aurai terminé la course et que vous repasserez dans le bas de la montagne, je rembarquerai avec vous pour la terminer”. On se couche vers 22 h.
Je me réveille à 2 h 30. Je ne peux plus dormir. J’essaie encore jusqu’à 4 h, mais c’est peine perdue. Je déjeune : gruau, café, pomme et banane. 5 h 10 nous quittons le condo, notre départ est prévu pour 6 h. Nos amis bénévoles et coureurs, Nancy Garand, Luc Desmarais et Catherine Landry, partent presque en même temps que nous. Tout est parfait, nous allons porter nos « bins » à la tente et on se prépare au départ.
Mon plan est de ne pas laisser ma fréquence cardiaque monter à plus de 160bpm et de manger une barre toutes les heures. À la « bin » j’arrêterai 5 minutes, pour ingurgiter une eau de coco, une banane et une pomme. Le premier tour devrait prendre 4 h et le second 5 h. Je devrais terminer vers 15 h 30, pas besoin de lampe frontale.
Sur le site, il ne fait pas très chaud, surtout que je porte seulement un short de compression et un t-shirt. On entre dans l’air de départ et ils nous font attendre pendant près de 30 minutes. Certains recommencent à avoir froid. Les coureurs moins rapides sont furieux de perdre de précieuses minutes sur le temps qui leur est alloué. Ils craignent de ne pas terminer la course.
Le départ est lancé
C’est difficile. Je n’ai pas fait d’échauffement et on commence en montant. Je me sens lourd, j’ai trop mangé vendredi soir. Ça devrait passer, on continue. Après la première ascension, je réduis à 155bpm. J’estime que ce sera une meilleure cible, car je suis en meilleure position que je l’aurais cru. Après quelques obstacles et un peu de grimpe, on redescend pour le RIG. Je ne me sens pas d’attaque, apparemment ça se voit selon mes amis qui sont spectateurs en attendant leur départ. J’échoue, donc 30 burpees. Ce n’est pas grave, c’est une longue course.
On remonte. La montée est difficile et mon système dit de trouver une toilette. Rien en vue, on endure. À partir du 9e kilomètre, après un obstacle, je me remets à courir et tout d’un coup je me dis que le réchauffement est fini. Je me sens finalement bien et j’arrive à courir à un bon rythme, même avec les montées et descentes. Je suis pratiquement seul pour les prochains 5 à 6 km. Toutefois, après ma deuxième barre, le mal de ventre revient. J’avance, mais c’est ardu. Mon système digestif veut une toilette, mais toujours rien. Je venais d’en passer une, mais je ne reculerai pas. Je continue, même si ça reste pénible.
Arrive ensuite le javelot. Je lance trop fort, je perds de la précision. Le javelot transperce le coin de la botte de foin et ne reste pas piqué. 30 burpees. Ce n’est pas grave, j’avance encore assez et j’ai de l’avance sur les « cut-off ». On descend, je me retiens, car même si j’adore descendre rapidement, je souhaite m’économiser pour le deuxième tour. Quelques obstacles s’enchainent : « monkey bars » pas de problème, mais le « hoist », c’est du solide. Je réussis, mais je me sens vidé. Conséquence, même le cargo net en A est difficile.
Fin du premier tour. Je monte à la bin, ouch c’est une pente très raide. Pause pipi, je mange un peu. Je repars après 5 minutes de pause, mais aussi 7-8 minutes après une vague qui fait le Beast. Je les rattrape rapidement. Nous montons et je ne fais que marcher, mais je tiens un bon rythme. Il y a une petite descente où je dépasse encore beaucoup, suivi d’une montée où je ralentis énormément. Les gens que j’ai dépassés me doublent à leur tour. Mes muscles ne répondent plus. Mon cardio demeure stable, ça ne va pas. Je ralentis encore, ça va passer.
J’arrive au transport de la buche. J’en ramasse une et BANG, la tête me tourne j’ai mal à la gorge et mon estomac est en panique. Je repose ma buche, j’essaie de me calmer. Je reprends la buche, je fais 5 pas et je repose la buche. Ça ne va pas mieux. Je commence à penser que je n’ai pas apporté de lampe frontale pour la fin de la course. Les règles sont que nous devons en avoir une avec nous à partir de 15 h. Le départ retardé de 30 minutes et le trajet plus long et plus ardu que l’an passé font en sorte que je risque maintenant de me faire sortir, car je n’ai pas l’équipement requis. Merde, j’ai amplement de temps et il fera encore clair au moins jusque 19 h. Règle à la con!
C’est la fin. J’arrête, j’en peux plus. Je déteste abandonner, mais je ne vois pas d’autre option. Je descends lentement vers l’air de départ, ils me couperont mon bracelet, ce n’était pas ma journée. J’ai la tête qui tourne encore beaucoup. Une bénévole veut m’envoyer un médic, je refuse. Je veux descendre lentement et aller abandonner tout seul comme un grand. Arrivé en bas, je me dis que j’ai encore une chance. J’ai des amis qui font la même course et qui sont derrière moi. Je pourrais continuer avec eux et trouver quelqu’un qui me prêterait une lampe.
Je m’assois près du bénévole au « dunkwall ». Il dirige les gens vers la fin du Beast ou le début du deuxième tour pour l’Ultra Beast. Je suis démoli. Il me demande si j’ai besoin d’un médic. Nous discutons un peu, pendant que je mange et que je bois pour reprendre des forces. Des amis qui sont bénévoles et coureurs passent et voient que ça ne va pas. Ils me posent tous des questions. Je demande à Sébastien qui arrive, s’il n’avait pas une seconde lampe. Il me dit oui. J’ai une lueur d’espoir et je lui demande s’il veut bien la prendre pour le deuxième tour. Si je me sens bien un peu plus tard, j’irais le rejoindre là où j’ai abandonné le parcours.
Danny passe pour terminer sa Beast. Je vais voir comment s’est passée sa course. En descendant, Catherine, bénévole à l’arrivée me pose des questions. Je suis au bord des larmes et j’ai encore la tête qui tourne. Je rejoins finalement Danny qui vient de finir et Mathieu qui a terminé un peu plus tôt. Nous discutons. Bon, je me donne encore 20 minutes, si d’ici là je ne me sens pas mieux, je fais couper ma puce et c’est fini.
Finalement une dizaine de minutes plus tard, ça va mieux. La nourriture a bien passé. Ma tête ne tourne plus. Mes amis me convainquent de continuer au rythme d’un autre ami. Ils ont raison, à ce rythme ça devrait aller. Je remonte à la buche pour attendre que Sébastien me rejoigne. Mathieu m’accompagne, il devra nous attendre jusqu’à la fin de toute façon.
En remontant, je recroise la bénévole qui est bien contente de constater que je vais mieux. J’arrive à la buche et je fais tout de suite l’obstacle au cas où mon ami serait en train de le faire, puisque c’est difficile pour moi de déterminer où il est rendu. Finalement, il arrive 40 minutes plus tard. Il fait son transport et ensuite nous descendons la montagne à trois. À partir de là, tout se passe bien. Mon nouveau partenaire de course sait très bien que j’irais normalement plus vite et quelques fois je me dis, vas-y si tu veux. Et moi de lui répondre, non je suis là pour la terminer et tu m’as redonné espoir, je reste avec toi jusqu’à la fin.
Le trajet n’est pas plus facile au deuxième tour. Certains obstacles le sont, car j’arrive moins essoufflé. Mon ami en a raté quelques-uns, mais nous sommes restés ensemble. J’ai pris un peu d’avance sur des montées et descentes, car il y a beaucoup de coureurs sur le parcours et je déteste les embouteillages. Le bénévole du « dunkwall » me reconnait et me félicite d’avoir complété le parcours.
Mon ami et moi avons sauté le feu à deux. Nous avons terminé 12 h 20 après nous être élancés sur ce parcours de 48 KM, 3000m de grimpe et 68 obstacles. Nous avons pris quelques photos ensemble. Je suis heureux de ne pas avoir abandonné et d’avoir eu quelqu’un avec qui vivre ce deuxième tour. Ça aide à garder le moral. Donc, une expérience mémorable pour moi.
En rédigeant ce texte en ce lundi matin, j’ai mal partout, mais surtout aux cuisses, aux genoux, aux trapèzes et au dos. J’ai une petite toux et j’ai une légère fièvre. Ma fille tousse depuis plus d’une semaine et a manqué l’école pendant 2 jours la semaine passée, on dirait que c’est à mon tour. Je savais que le fait que ma fille était malade la semaine précédente pouvait me nuire, mais je n’allais pas l’ignorer pour autant.
Par contre, j’aurais dû suivre mon plan de nutrition, 1 barre à l’heure, peu importe le reste. Et j’aurais dû m’écouter plus le vendredi soir quand je mangeais la viande encore très rouge en me disant que c’est dur à digérer ça, mais que mon système en a vu d’autres… Ce fut une grosse erreur.
Conclusion, si vous avez un plan, suivez-le. Il y a une raison pour laquelle vous et votre coach avez pris le temps de le préparer. Aussi prenez tout l’équipement requis. Même si vous pensez ne pas en avoir besoin. Ça peut vous jouer de mauvais tours, croyez-moi!